vendredi, septembre 12, 2008

Maroc: le cas Raji ou l'avènement d'une véritable opposition

Mohamed Raji est un jeune amazigh, passionné d’écriture. Il avait crée son propre blog où il exprime, régulièrement, ses impressions sur la situation de son pays, le Maroc. Ses articles sont repris par d’autres sites marocains d’expression arabe. Car ils sont d’assez bonne facture et empreints de beaucoup de franchise. Il faut dire que Raji n’en pas rate pas une pour dire le fond de sa pensée. D’ailleurs, il n’a pas hésité à dénoncer, avec beaucoup de courage, les agréments de transport.

Comme dans tous les régimes anti-démocratiques et archaïques, il s’agit en effet d’un vrai privilège. Mais pour en avoir un, il faut le demander au roi en personne. En fait, il est seul habilité à en accorder. À vous de vous débrouiller pour lui remettre votre demande. Pour ce faire, à Rabat par exemple des dizaines de personnes font quotidiennement le pied de grue devant le palais royal. D’autres, toute honte bue, n’hésitent pas à le suivre un peu partout au Maroc.

À y regarder de près, il faut dire que cela en vaut le coup. Car une fois que vous en avez un, vous pouvez se la couler douce. À vous le farniente ! Car, vous pouvez le louer à une tierce personne moyennant finance. En fait, vous pouvez gagner énormément d’argent sans même quitter votre chambre à coucher. Une terrible injustice pour ceux qui travaillent. Et c’est cela que Raji a dénoncé avec beaucoup d'à propos. Ce que les différents ‘’zawiyas’’ qui nous tiennent lieu de partis politiques n’ont jamais osé faire. Il faut savoir que le régime marocain a fait un immense vide politique autour de lui. La nature ayant horreur du vide, quelques têtes-brûlées -comme Raji- ont pris courageusement le relais et jouent désormais le rôle de l’opposition avec juste leurs mots.
-
Mais ça n’a pas l’air de plaire aux sbires du Makhzen. Ce qui est tout à fait normal. Ils ont vite fait de l’arrêter pour le condamner à 2 ans. Et jeté ensuite comme un malpropre dans la terrible prison d’Inezgane. Mais la communauté Internet, heureusement, s’est mobilisée illico presto et les médias internationaux informés. Tous ou presque en ont fait leurs manchettes. Voyant que son image, qui n’est déjà pas reluisante, va se dégrader davantage, le Makhzen s’est empressé pour le libérer. Sans forcément lâcher le morceau. Car Raji est toujours poursuivi en liberté provisoire. Et comme tout le monde sait, le Makhzen est férocement rancunier. Il ne pardonne jamais.
-
Si tout le monde a sympathisé avec le jeune Raji. Seul le directeur d’Aujourd’hui le Maroc -ou le Makhzen- a tenu à jouer sa propre partition pathétique. Il a été le seul à voir dans l’article de Raji un manque de considération pour le roi. Il a même tenu à rappeler que notre jeune blogueur est quasiment analphabète. Parce que d’après lui, il a quitté tôt l’école. Et comme cela ne suffisait pas, le même directeur a tenu à insister que Raji n’a aucune connaissance des règles les plus élémentaires du journalisme. Comme si Aujourd’hui le Maroc qu’il chapeaute est une référence dans le domaine. Décidément, le ridicule ne tue plus.

Par ailleurs, est-ce que Raji, s’il était un parfait inconnu, serait-il libéré avec une telle célérité ? Absolument pas. Rappelez-vous le vieux sénile de 95 ans de la région de Settat qui a été jeté en prison où il est d’ailleurs décédé ! Parce qu’il a manqué, selon ceux qui l’ont condamné quasiment à mort, au respect dû au roi. Il y a certainement d’autres innocents qui croupissent, indéfiniment, dans les geôles du régime pour les mêmes raisons. En fait, le crime de lèse-majesté et l’atteinte aux ‘’valeurs sacrées du Royaume’’ sont une terrible épée de Damoclès. En un mot, critiquer le roi et ses actions est à vos risques et périls. Et ce, dans le plus beau pays au monde.

Un chérif tire sur un sheriff

C’est bien connu, le Maroc peut se targuer d’avoir le plus grand nombre de chérifs au m2. Comme si le climat de cette partie de Tamazgha favorise leur prolifération vertigineuse. Un peu comme les pommes de terre dans les plaines d’Achtouken, comme disait je ne sais quel humoriste du Souss. Mais alors qui sont ces gens au ‘’sang bleu’’ ? À les croire, ils sont tous des descendants directs du prophète. Je sais que cela prête plus à sourire qu’autre chose. Laissons-les donc croire dans leurs mythes et concentrons-nous sur le sujet du moment.

Il y a lieu de signaler qu’il y a chérif et chérif. En effet, ils ne se valent pas tous. Il y en a qui sont de condition très modeste, mais qui ne trouveraient aucune gêne à vous bassiner avec leur prétendue chérifitude. Ils peuvent même pousser l’outrecuidance jusqu’à exhiber, fièrement et naïvement en même temps, une carte spéciale, qu’ils gardent toujours sur eux, qui les fait rattacher à tel ou tel clan de chérifs- il y en a plusieurs. En fait, étant donné que l’on est dans un pays où la loi est systématiquement piétinée dans le cas où elle existe, la carte de chérif peut donc toujours servir. Surtout dans les administrations makhzeniennes.

Reste que dans ce Maroc miné par l’ignorance et le sous-développement, la chérifitude peut même être politiquement très porteuse. D’ailleurs, Abdeslam Yassine, le chef islamiste d’Adl wa Ilhssan, même s’il est on ne peut plus amazigh, a revendiqué haut et fort l’étiquette de chérif. Et ça lui a pas mal réussi. Malgré ses délires et ses divagations à n’en pas finir, son association a attiré des milliers d’adhérents. Parfois des gens extrêmement bien qualifiés : des médecins, des ingénieurs, des professeurs universitaires et j’en passe.

Par ailleurs, disons ce qu’il y a, les chérifs les plus puissants sont de loin les Alaouites. Ceux-là même qui monopolisent et s’accaparent tout au Maroc : la politique, l’économie et même la culture. Ils sont tellement puissants qu’ils peuvent se permettre ce que bon leur semble. Ils peuvent humilier et même liquider – Hassan II à ce propos a été un champion toute catégorie- ceux qui osent leur tenir tête. Impitoyablement.

Il y a quelques jours, à Casablanca plus précisément, l’un d’eux n’a pas trouvé mieux que de tirer sur un gendarme. Un vrai cow boy en djellaba immaculé -le ramadan oblige- avec probablement un fez rouge vif fixé sur le caillou. Que ça doit être comique ! Tout cela parce qu’un policier l’a arrêté après avoir commis je ne sais quelle infraction au code de la route. Mal lui en a pris. L’on n’arrête jamais un chérif alaouite sans en payer le prix fort ! Parfois au risque de sa petite et modeste vie.

Et comme les Alaouites sont forts et puissants, la fameuse agence du Maghreb extrêmement arabe, où une faune de gendarmes et de ''merdas'' à leurs bottes officient tranquillement, s’est empressée de publier une dépêche pour dire que l’Alaouite en question a des problèmes psychiques. Une belle manière de le laver complètement de son crime. Mais comment se fait-il alors qu’il trimbale dans sa grosse cylindrée un arsenal guerrier ? Parce que tout simplement un Alaouite peut tout se permettre. Même s’il a un grain pour ne pas dire plusieurs.

Cependant, imaginez un seul instant que le même policier a eu un problème avec un ‘’sujet’’ lambda, sans forcément arriver aux extrêmes comme c’est le cas avec notre Alaouite. Je suis sûr et certain qu’il serait déjà battu sur place, après que le même policier a ameuté ses collègues avide de corps à défigurer, et immédiatement coffré avec des charges lourdes qui vont lui coûter plusieurs années de sa vie, si ce n’est toute sa vie. Avec sur le dos la terrible loi sur le terrorisme si jamais il avait le malheur d’avoir une arme.

Il faut dire ce qu’il y a, les policiers marocains ne sont pas que des lâches et des corrompus, ils sont aussi d’une barbarie sans pareil. On les a vus, dernièrement, à l’œuvre lorsqu’ils trituraient sadiquement les corps chétifs des jeunes d’Ait Baâmrane. Mais ils leur arrivent parfois de tomber sur un gros os. Et là, ils reçoivent des coups et ils se la ferment. Qu’ils ne s’attendent au moindre soutien de notre part !