mercredi, novembre 15, 2006

Hommage à Al-Jabiri : l’UNESCO est piégée

L’UNESCO s’apprête à honorer Mohamed Abd Al-Jabiri, l’un des théoriciens les plus connus de la tristement célèbre idéologie baâthiste. Ce qui a scandalisé plus d’un. Surtout les Amazighs qui n’ont pas hésité à le faire savoir. En lançant une pétition. Pour en apprendre plus, nous avons contacté l’un de ses initiateurs, le militant amazigh bien connu, Ali Khadaoui.

Est-ce que vous pouvez vous présenter en quelques lignes ?

Je m'appelle Ali Khadaoui, natif d'Ajdir (à l'Est de Khénifra) au Moyen-Atlas, vers 1953, sous une tente traditionnelle. Inspecteur principal de l'Enseignement secondaire à la retraite; poète en français et amazigh, peintre et anthropologue, spécialiste de la question amazighe. Conférencier sur la même question. Militant de la cause amazighe depuis plus de vingt ans. Ancien membre du Conseil Fédéral du Congrès mondial amazigh (1999-2002) et du Bureau national de l'AMREC depuis 1996 (Association marocaine de recherche et d'échanges culturels) : j'y ai démissionné en juillet 2006 après 15 ans d'intenses activités associatives pour divergences de vue quant à la stratégie à suivre pour amener le pouvoir à reconnaître pleinement l'amazighité du Maroc.

Vous avez été aussi membre de l’Institut royal de la culture amazighe (IRCAM) ...

J’ai été un ex-membre du Conseil d'Administration de l'IRCAM, duquel j'ai démissionné également avec six autres membres en avril 2005 pour protester contre l'absence de volonté politique réelle du gouvernement à prendre en charge l'amazighité dans toutes ses dimensions. Notre démission avait un double objectif : d’une part, montrer au Pouvoir qu'il existait encore dans ce pays des Amazighs qu'on ne peut pas acheter ; d’autre part, introduire une rupture épistémologique dans le discours du Mouvement amazigh après la crise provoquée par la création de l'IRCAM (la cooptation de la majorité des grands militants par le Pouvoir a fini par désorganiser tout le mouvement amazigh), afin que ce dernier puisse repartir sur des bases plus solides qu'avant. En tout cas, c'est ce que nous croyons et nous faisons tout pour y arriver.

Pensez-vous que l'UNESCO ne connaît pas assez Al-Jabiri pour l'honorer ou est-ce une provocation ?

Nous pensons que l'UNESCO a été induite en erreur par le lobby arabe très influent au sein de cette organisation, surtout le lobby andalou marocain. Je pense également qu'il s'agit d'une opération politicienne (l'autre candidate à l'hommage est une juive allemande) qui s'inscrit dans les efforts que certains déploient pour rapprocher les Israéliens et les Arabes. Dans ce cas, l'UNESCO a été piégée.

Pensez-vous que l'UNESCO va vous entendre ?

Si nous avions disposé de plus de temps et de moyens (surtout humains), l'UNESCO nous aurait sûrement entendu car notre cause est on ne peut plus juste, et M. Al-Jabiri est on ne peut plus raciste du point de vue des principes des instances internationales elles-mêmes.

Al-Jabiri est un anti-amazigh primaire même s'il est amazigh lui-même, que pouvez-vous nous dire sur ce genre de personnes qui sont malheureusement très nombreux ?

M. Al-Jabiri n'est pas amazigh même s'il dit avoir vécu à Figuig et parlé le tamazight jusqu'à l'âge de 12 ans. M. Al-Jabiri se définit comme étant un chérif descendant des "Al-Jaber du Koweit" ; de plus, être amazigh aujourd'hui relève de la conscience qu'historiquement, anthropologiquement et génétiquement, l'Afrique du Nord est amazighe. Eu égard à ces vérités, l’étude de la colonisation peut nous éclairer à bien des égards. Et comme dans toute situation coloniale, les Amazighs anti-amazighs relèvent de ce que Paul Nizan appelait déjà "le complexe du colonisé".

Réalisé par Lahsen Oulhadj