vendredi, avril 28, 2006

Yuba : un chanteur très prometteur

Que Yuba, Moussa Habboune de son vrai nom, soit né à Dcheira est déjà en lui-même un signe du destin. Cette petite bourgade populaire et populeuse, coincée entre Agadir et Inezggane, est considérée comme la Mecque des trouvères et autres troubadours amazighs que l’on appelle communément les rways.
Ils y viennent de toute part pour s'y fixer. Non seulement parce que la vie y est moins chère, mais aussi parce qu'ils s'y sentent chez eux. Car, ils y sont parmi les leurs, les habitants de Dcheira, connus pour être de grands fêtards devant l’Éternel.
Cette réputation qui leur est faite n’est absolument pas usurpée. Il est de notoriété publique que les Dcheirotes sont presque tous des inconditionnels de la musique, des mélomanes invétérés, s'ils ne sont pas des musiciens plus ou moins amateurs, voire même pour certains de parfaits professionnels.
Il suffit de la moindre occasion festive pour que chacun sorte son instrument de musique qu'il garde religieusement chez lui, pour des soirées fort animées, qui ne finissent qu'aux aurores.
Il tout à fait naturel que cette inclination massive pour la musique et les musiciens provoque des vocations. En effet, dans tout le Grand Souss, la ville de Dcheira a été et est toujours une pépinière on ne peut plus fertile de créativité. Elle a donné à la chanson amazighe des génies légendaires et avant-gardistes exceptionnels.
Si dans le passé c'était Tabghaynuzt, Imurigen Izenzaren avec leurs multiples avatars, etc ; maintenant c'est Masnissa, Yuba, Tafwit, Izm, etc. Que de prodigieux talents qui font encore et toujours le bonheur de tous les aficionados férus des rythmes et des sonorités amazighs !
Yuba -surnom qui lui a été donné en souvenir d'un grand roi amazigh de l'antiquité- est né a grandi dans ce milieu très musical de Dcheira. D'autant plus que la tradition familiale n'est pas à négliger. En fait, Yuba est le petit-fils d'un grand rrays, feu El Houssayne Amzil. L’un des compagnons du très grand El Haj Belâid. La relève, pourrait-on dire, est donc assurée. Même si, il faut le reconnaître, Yuba a opté pour un style complètement différent.
On échappe difficilement aux influences de son environnement. Ce qui est encore plus vrai dans le cas de Yuba. Il a succombé, de son propre aveu, à la magie des vers dès son plus jeune âge. Il en a composé pas mal qu'il a d'ailleurs récité à sa fratrie et ses amis. Et comme le hasard arrange bien les choses, cet amour de la poésie va trouver un terrain d’expression plus large avec l’avènement salutaire du mouvement culturel amazigh (MCA).
Naturellement, Yuba, sensible au fait berbère et conscient des dangers qui le guette, ne peut que s’engager dans l’action militante, revendicative et même contestataire de la mouvance amazighe. Ce qui fut fait. Il devient l'un de ses animateurs les plus en vue et les plus appréciés. Pour l'avoir rencontré, il est d'une gentillesse et d'une humilité absolument désarmantes.
Conscient des limites de la seule poésie, Yuba a donc opté pour la musique dont l’impact, et c’est une évidence que de dire cela, peut toucher le maximum de gens surtout lorsque l’on a une cause noble à défendre. À force d'entêtement et de volonté, il apprend en peu de temps à " gratter " la guitare sèche et innove par le fait le même. Et pour cause, il est l'un des rares musiciens du Souss à l'utiliser. D ’autant plus qu’il la manie avec beaucoup de dextérité.
À noter que la tendance générale, sauf à quelques rares exceptions, est plutôt au banjo, à la guitare électrique et autre sythétiseur, sans oublier les indétrônables rribab -une vièle monocorde- le fameux lotar- instrument à cordes.
Chemin faisant, Yuba progresse rapidement et devient en peu de temps la coqueluche des militants du mouvement amazigh. Sa guitare en bandoulière, il écume, en soliste ou avec son groupe, toutes leurs manifestations culturelles.
En 1999, il sort son premier album, tawargit (rêve), qui l'a fait propulser au devant de la scène. Celui-ci a eu un succès retentissant auprès d'un public assoiffé d'originalité tellement les chanteurs amazighs déjà présents sur le marché se plaisent dans un conservatisme musical pour le moins ennuyeux.
En 2005, il récidive et produit Itran azal ( les étoiles en plein jour). Un album-confirmation qui prouve que Yuba est un artiste complet et un professionnel rigoureux. En tous les cas, jeune qu’il est, il a toute la vie devant lui pour nous surprendre davantage. En outre, son établissement en Allemagne va certainement lui ouvrir d’autres horizons encore plus prometteurs. Bon vent l’artiste !
Lahsen Oulhadj

lundi, avril 10, 2006

Le chanteur Yuba : l'album de la maturité


Il y a quelques mois déjà, le chanteur Yuba, un artiste amazigh des plus doués de sa génération, a mis sur le marché son deuxième album dont le titre est poétiquement évocateur : Itran azal ( les étoiles en plein jour). On s'attendait que ce fils prodige du Souss nous surprenne, dans le bon sens du terme, comme cela a été déjà le cas avec tawargit (rêve), son premier album, grâce auquel il s’est fait connaître auprès du public.

En effet, passé le stade de la découverte d' Itran azal, on peut affirmer que l’on est plus que servi, et c’est le moins que l’on puisse dire. Car Yuba confirme une fois de plus qu'il a du talent à en revendre. Il est devenu plus aguerri, plus complet, plus tatillon. Il confirme largement qu’il est une valeur sûre de la musique amazighe contemporaine, car il lui apporte, et c’est le cas de le dire, un salutaire nouveau souffle.

Yuba peut aisément, sans peur d’être taxé d’un quelconque enthousiasme injustifié, prétendre être la figure de proue de cette nouvelle vague de la chanson amazighe représentée par Mellal, Agizul, Masnissa, Izri… Ce que d'aucuns pensent déjà, sans forcément le crier sur tous les toits.

En tous les cas, si les sceptiques s’en doutent, Itran azal suffit amplement pour le prouver. C'est un travail on ne peut plus réussi, à tous les niveaux. On sent que derrière, il y a toute une préparation. Rien n’est laissé au hasard. Les arrangements, les mélodies, les paroles, etc, tout est pensé et repensé. Exit l'improvisation et bienvenue dans le monde de la rigueur professionnelle !

En un mot, Yuba nous a servi une musique dans sa perfection, immodérément moderne, sans forcément la sacrifier sur l'autel de l’universel disons un peu uniformisant. Et pour cause, les racines amazighes ne sont jamais trop loin ( l’emploi du violon amazigh et du gembri, l'influence d'ahwach, gnawa…).

On se lasse jamais d'écouter en boucle les chants engagés de Yuba avec sa voix suavement et gravement chaleureuse, source de beaucoup d’émotion et de fierté aussi – parce que amazigh. Car il y a là un style fondamentalement sui generis, une personnalité musicale originalement propre.

Pour les thèmes, point d’abstraction. Exprimés avec des mots toujours précis et un tant soit peu recherchés, ils épousent, comme à l’accoutumée, l'actualité, les soucis quotidiens et les maux de la société : l'immigration clandestine, l'esclavage, la revendication identitaire...

Avec Itran azal, Yuba a incontestablement atteint la maturité musicale. Il signe là, sans faire dans l’emphase béat, une œuvre magistrale, d’anthologie. Si l’on veut que la source ne tarisse pas et que " l’oiseau " continue de chanter, il faut impérativement lui donner un coup de pouce. Comment ? En achetant simplement son album.

Jusqu’à preuve du contraire, c’est la seule manière d’exprimer sa gratitude aux efforts louables de tous les artistes amazighs de la trempe de Yuba qui, si injuste que cela puisse être, sont tout simplement interdits – c’est le mot- dans les médias de " leur " pays, colonisés, probablement pour toujours, par les Égyptiens et autres libano-syriens. Même les très courtisés chanteurs arabo-marocains s’en plaignent. C’est vous dire…
Lahsen Oulhadj